Château de Canteleu

Au Moyen Age, Canteleu est appelé Saint Pierre-de-Chanteloup-sur-Brachy, avec son château et ses seigneurs, tels Gilbert, Guillaume et Raoul de Canteleu au XIIème siècle, c’était un plein fief de haubert. Il possédait un moulin et des foires, dite de Saint Hilaire. La population était de 24 feux, la vie était rude et la lèpre y causait des ravages.

La guerre de cent ans ruina le village, les troupes anglaises passant et repassant, tuant, pillant brûlant tout sur leur passage, le château fut démoli. La guerre finie Canteleu se releva lentement de ses ruines, en 1465 on ne comptait que 9 feux. Après quelques années de tranquillité, les combats entre Louis XI et le Duc de Bourgogne attristèrent une fois encore le pays.

Dans ces temps anciens, la paroisse de Saint Pierre de Canteleu possédait, dans la cour du château, une chapelle bâtie de cailloux et de grès couvertes d’essences de bois de taille modeste (7,5 x 4,5 m). L’abbé Cochet raconte que Monseigneur d’Aubigné vint visiter et qu’il trouva bien pauvre, mal entretenue et sale, avec autour de l’église les vestiges d’un cimetière, les registres de l’état civil étaient mal tenus, toutes les messes du dimanche n’étaient pas dites ; le curé lui répliqua qu’il ne recevait aucun secours des paroisses voisines et n’avait que 4 sols pour 12 messes ! Peu après, les dégradations se poursuivirent et l’église fut interdite d’accès. Cependant, le seigneur offrit un terrain hors de l’enceinte du château pour une construction nouvelle avec un cimetière alentour, il était plus satisfaisant, car ainsi le curé pouvait accéder à l’église à tout moment sans crainte des chiens du seigneur ou de la présence des bestiaux qui interrompaient à tout moment le cours de la messe ! La nouvelle église fut achevée en 1749, elle était construite en briques et mesurait 17m x 7m et 4,9m de haut, couverte de tuiles avec un petit clocher.

Les Seigneurs

Aucun auteur ne cite la famille Jubert avant le XVIème siècle, néanmoins dans un mur du socle du château, on voit une pierre portant la date de 1305 intégrée dans la voûte de briques et il y est gravé « NOBLE S. IACOVES IVBER », on peut comprendre qu’il s’agit d’un Jacques Juber. Cette pierre était-elle là de tout temps ou bien a-t-elle été apportée plus tard, je ne peux le dire !

Toutefois vers la fin du XVème siècle la seigneurie appartenait à la famille des Essart et un siècle plus tard à la famille Jubert, de riches parlementaires, seigneur de Bonnemare dont quatre générations se succédèrent à Canteleu : en 1603, Jacques Jubert (conseiller du Roi en son Grand Conseil, Président aux Requêtes), puis Pierre Jubert (Trésorier de France), Louis Joubert (doyen des Conseillers au Parlement de Rouen), Georges en 1699 (président de la Chambre des comptes de Normandie), enfin Jean Baptiste Jubert en 1735 (président au bureau des comptes de Normandie), qui laissa son domaine aux Puchot.

Un Nicolas Puchot de Saint Pierre, chevalier, seigneur de Canteleu, Gruchet, Brachy, Greuville fut inhumé en 1753 dans l’église de Canteleu. Le fils de ce Puchot vendit sa propriété à Tanneguy Jean Guerin, chevalier, écuyer, seigneur de Tourville, Canteleu, Brachy, Gruchet, Greuville qui eut 4 enfants dont Alexandre Guérin de Tourville (né à Canteleu le 17.12.1792, époux de Marie Adélaïde de Torcy), il résidait encore à Canteleu à la fin 1792.

Ce Tanneguy fut inhumé « dans l’enceinte ruinée » de l’église de Canteleu, l’abbé Cochet nous conte que son descendant « M. de Belleville de Dieppe » fit transporter en 1843 ses restes dans le chœur de l’église de Luneray, la pierre tombale portait « Ci gist messire Tanneguy-Jean-Emmanuel de Guérin de Tourville, escuyer du Roy, seigneur de Gruchet-Saint-Siméon, Greuville, Canteleu, Brachy, décédé le 19 mai 1771, agé de 57 ans … ». Je n’ai pu trouver la trace de cette pierre tombale !

La prospérité du 18ème siècle

Au début du 18ème siècle les habitants ont connu une ère de prospérité et beaucoup étaient devenus propriétaires. Le village n’était pas seulement agricole, une vingtaine de familles exerçait divers métiers, on sait que Jean Houdeville était rouettier, fournissant les rouets aux nombreux tisseurs. Jacques Pierre Ouvry (1723-1783, père de Jacques Ouvry) était tonnelier mais d’autres sources le donne comme laboureur, Jacques Larchevêque était charpentier. Il y avait aussi des toiliers comme Louis Couillard, Jacques et Nicolas Levasseur, Frebourg menuisier, Houlette jardinier, Frechon tenait une mercerie, Boulan fabriquait de la siamoise, Ricoeur tondelier pour les moutons d’Antoine Houdeville, David Pigné et le syndic Talvas qui tenait la ferme du seigneur Guérin de Tourville (40 acres). Toutefois, une crise agricole due à plusieurs mauvaises récoltes précipita la France dans la famine, malgré la crise, il fallait payer les dîmes au prieur de Longueville et au syndic Talvas et pour un dernier tiers au curé.

A l’époque de la Révolution, la population – une vingtaine de feux – rédigea un cahier de doléances inspiré de celui de Luneray dont l’auteur était Jean Néel, dénonçant les abus et les erreurs, réclamant une justice plus proche des justiciables. Quel fut le sort de château de Canteleu ?  Guérin de Tourville dut renoncer à faire entreprendre certaines grosses réparations, il quitta même le pays et ses biens furent transférés à la Nation.

L’acheteur en fut Jacques Ouvry, qui fut contraint de faire abattre la partie irréparable de la demeure. Quant à l’église, bien que récente, elle était aussi en piteux état ; la foudre lui donna le coup de grâce, et elle fut démolie en 1820.

Le conseil municipal approuva avec conviction, tour à tour, les régimes politiques qui se succéderont, et c’est en 1823, que la décision fut prise de supprimer l’administration du village. Les cantiliens furent appelés à se prononcer, ils le firent en faveur de Luneray.

L’ancien château

Sous l’ancien régime, Canteleu était une importante châtellenie en témoignent les restes d’une construction sise au milieu d’une enceinte entièrement close de murs ornés de losanges et briques vernissées. Il ne subsiste que l’aile gauche du château, le corps central et l’aile droite ayant été démolis après la Révolution, voire jamais achevé. La façade (Est) est élevée sur un socle de grès et percée de hautes fenêtres, la maçonnerie faite de briques roses parsemées de briques noires où alternent des lits de grès. Un toit à la Mansart sommée de deux souches de cheminées abrite l’ensemble.

A l’Ouest l’appareil se révèle plus simple, le dénivellement du terrain montre un lourd soubassement en grès de plus de 3 mètres de haut, sur le pignon Sud on voit encore le style d’un cadran solaire dont les graduations ont disparues. A l’intérieur de l’enceinte, subsiste des bâtiments d’exploitation dont l’un est daté de 1776 (façade Ouest de l’aile Sud). Un puits avec sa roue se trouve dans la cour.

Il existe (en 2013), dans les archives du château un Plan Idéal et Géométrique du Parc du château de Canteleu, ce document sur papier donne les détails d’aménagement d’un parc avec sept avenues dont les principales se recoupent au centre. Ce parc se trouvait au nord de l’enclos du château (côté Luneray) et mesurait environ 200 m x 200 m. La note en bas à droite du plan indique « on observe que les cinq pépinières ne sont point comprises dans la récapitulation … ». Ce parc est donc constitué de « pépinières » avec des pommiers et un bois taillis et il était exploité par le Citoyen Guérin, de 1793 à 1795, donc jusqu’à la vente à Jacques Ouvry. Curieusement, à ce jour, on n’a pas trouvé de trace d’un four banal, ni du colombier.

La vente révolutionnaire

La vente des biens de l’émigré Tenneguy Guérin dit Canteleu eut lieu le 26 nivôse en III (15 janvier 1795) à Rouen. Il s’agissait d’un ensemble de quatre lots :

  • le « très beau château double », les bâtiments, la cour d’honneur, le jardin légumier, le tout clos de murs ;
  • le parc adjacent ;
  • dix acres de terres en labour et masure en face du château et ;
  • les avenues ;

Le tout de plus de 44 acres (soit 30,5 ha), occupées par le Citoyen Guérin le cadet (frère ou fils de l’émigré) et par le Citoyen Tallevast. Le revenu de l’ensemble était estimé à 3.400 livres et la valeur du principal à 80.000 livres, le tout fut adjugé 179.500 livres à Jacques Ouvry de Greuville.

A ceci, s’ajoutait un autre lot qui fut acquis par Jean Néel consistant en masure plantée édifiée d’une maison, grange, écurie étables, fournil, etc. y compris les bois de construction pour bâtir une maison sur la dite ferme vu le mauvais état de celle existante.  Plus dix acres en bois de haute futaie, avenue, bois taillis et herbage ; soixante acres de terres en labour dépendant de Greuville et Crasville. Plus d’autres lots de terre vendues à diverses autres personnes : Boullen de Luneray, Benoist de Gourel, Signé d’Avremesnil, Mounet de Greuville et Jaques Ouvrix de Greuville.

J’ai noté que le château n’est pas dit en mauvais état ou en cours de travaux.

La suite de l’histoire du château de Canteleu est disponible sur cette page (accès réservé aux membres du site).